17 Novembre 2015 – Shy’m : Paradoxale Tour – AccorHotels Arena, Paris
Je suis particulièrement ému de commencer ce compte rendu, le premier depuis les événements tragiques qui se sont déroulés à Paris le week-end dernier. D’une part parce qu’on ne peut pas rester insensible face à ce drame, mais aussi parce qu’à travers ces actes de barbarie, c’est toute une part de moi, de nous, qui a été touchée ; et en continuant d’aller voir des spectacles, de partager du temps avec nos amis, c’est une manière de dire que nous ne céderons pas à la terreur. Je pense que Shy’m, en maintenant ces concerts à Bercy, a pris la bonne décision et ses mots ont eu une résonance toute particulière lors de cette soirée.
Nous arrivons aux alentours de 19h30 à l’AccorHotels Arena. Les consignes de sécurité bouleversent quelque peu l’entrée dans la salle : une fouille plus approfondie nous oblige à patienter dehors de longues minutes. Une fois l’intérieur, nous devons faire face à un autre problème : nos places en gradins ont été supprimées. On nous explique que c’est à cause des travaux de rénovation, qu’on va nous replacer. J’ai des doutes sur l’explication, et je comprendrai un peu plus tard, que le remplissage catastrophique de ces deux dates les a obligés à avancer la scène, et donc à retirer des blocs entiers de sièges. On nous replace, plus loin. Je suis furieux. Car en plus d’avoir payé mes billets au prix fort – contrairement à un certain nombre de spectateurs, qui ont pu bénéficier des multiples tarifs réduits proposés depuis la mise en vente, on se retrouve beaucoup plus loin que ce qui était prévu à l’origine. Aujourd’hui encore, je ne comprends pas pourquoi le replacement n’a pas été équivalent. On s’installe donc, dans une salle quasiment vide. 7000 billets en ont été vendus, ce qui est déjà peu par rapport à la capacité de Bercy, et seuls 4000 spectateurs ont fait le déplacement ce soir pour assister au spectacle. La première partie commence, ce sont les Young Professionals qui l’assurent. Pendant ce temps, je peste sur les réseaux sociaux dans un état de fureur rarement atteint. LOL. Je me braque facilement quand je suis contrarié et je me demande encore comment j’ai réussi à me calmer avant l’arrivée de Shy’m 😀
La scène est cachée par un rideau à lanières qui affiche la devise de Paris « Il est battu par les flots, mais il ne sombre pas » et quand les lumières s’éteignent, c’est par un texte sur la liberté que le concert commence :
« Nombreux sont-ils à décrire la liberté comme une course dangereuse, vertigineuse. Une course de fond exténuante et solitaire. Une solitude qui a aussi fait de mon cœur un vagabond errant, indépendant, mais dépendant de liberté. Une liberté certes épuisante et fragile, mais jouissive, magique, et si extraordinaire depuis que je la vis dans vos sourires. Des rires aux lames aiguisées, je me déguise et improvise. Solitaire, mais loin d’être seule et si près de vous. Bienvenue dans mon paradoxe. »
Des mots qui ont une résonance toute particulière après la tragédie du 13 novembre. Un décompte s’affiche ensuite sur le rideau mêlé à des mots-clés et des images fragmentées de Shy’m. À l’ouverture, on découvre la scène : un écran tryptique tapisse le fond du plateau, et au centre, un cube semi-transparent, dans lequel on aperçoit la silhouette de Shy’m. Quatre musiciens l’entourent et l’introduction, qui se fait de plus en plus vigoureuse, laisse entrevoir les premières notes de « Black Marilyn ». C’est un choix particulièrement osé, mais qui donne le ton du concert, comme nous le prouvera le reste de la setlist. Shy’m est vêtue d’une longue robe noire, on la découvre plus en détail lorsqu’elle sort du cube pour interpréter « J’te Déteste ». La mise en scène est époustouflante, le rendu des projections vidéo sur les écrans et sur la structure est impressionnant. J’avais vu quelques images de la tournée et je ne m’attendais pas à une telle réussite. Elle joue avec son double virtuel, projeté alternativement sur les panneaux et sur le cube. Elle enchaîne sur « On Se Fout De Nous ». La structure centrale prend une teinte rouge avant de s’enflammer et de révéler tout le potentiel de la scénographie. Elle a quelques mots pour nous ensuite : « Je vais commencer par vous dire merci, merci d’être là. C’est un soir particulier et au nom de toute l’équipe, merci. Les mots ce soir vont résonner différemment : je pense que je vais les redécouvrir avec vous. Vous savez à quel point la liberté est une notion importante dans ma vie : je la chante beaucoup dans ma musique, et la dernière en date, c’est une chanson dans laquelle je parle de ma liberté à moi… La Malice ». « La Malice » dont les paroles prennent un sens particulièrement fort ce soir. Sur les écrans, on voit deux hommes tentant d’immobiliser Shy’m, qui se retrouve de nouveau dans ce cube, comme derrière les barreaux d’une prison.
Raphael Sergio et Joker CPK, les deux danseurs, viennent la rejoindre sur scène pour l’accompagner dans un ballet contemporain, qui n’est pas sans rappeler quelques-unes de ses prestations dans l’émission « Danse Avec Les Stars ». Un technicien lui amène ensuite un tabouret, sur lequel elle prend place pour interpréter « Caméléon », l’une des surprises de la soirée. Je ne m’attendais pas à apprécier autant le morceau. Quelle réussite ! Que ce soit visuellement, à travers ce qui se passe sur l’écran ou musicalement ! L’orchestration live est incroyable. Et c’est l’une des constantes de la soirée, j’ai trouvé les arrangements d’un haut niveau. Je vous invite à découvrir les images à la fin de cet article. Vocalement elle a fait beaucoup de progrès aussi. Elle enchaîne sur « En Plein Cœur », sur lequel elle fait voler sa tenue, grâce à deux ventilateurs énormes apportés par les danseurs. Techniquement, ce n’est pas grand-chose, mais je trouve que le rendu est particulièrement bon. À la fin de la chanson, elle demande à ce qu’on allume la salle et à ce que les musiciens la rejoignent pour faire une minute de silence, avec le public. C’est un moment fort, peut-être même le plus fort de la soirée. C’est la première fois que Bercy est aussi silencieux et je suis heureux que personne ne trouble cet instant de recueillement qui lui permet d’enchaîner sur un titre de circonstance : « Il Faut Vivre ». C’est l’une des séquences que j’ai préférées. Le morceau ne paye pas de mine à première vue, mais en live, qu’est-ce que le rendu est bon ! Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le penser, puisque le public se réveille enfin et participe activement en tapant dans les mains tout au long de la chanson.
Car si l’ambiance semble battre son plein dans les cinq premiers rangs de la fosse, il faut avouer que dans le reste de la salle, c’est une autre histoire ! Je trouve les spectateurs mous, absents et surtout complètement désinvestis du concert. J’en reparlerais un peu plus loin, mais c’est quelque chose qui m’a beaucoup frustré pendant la soirée. Rien à voir avec l’ambiance explosive de son passage en 2013 dans la même salle (cf. Shy’m : Shimi Tour 3.0 – Bercy, Paris (2013)). Pendant qu’elle file se changer en coulisse, le groupe enchaîne sur un interlude musical reprenant le thème de « Il Faut Vivre ». Le rideau se ferme et diffuse des images du clip, c’est visuellement fort. Entre-temps, les techniciens installent trois panneaux blancs sur le devant de la scène. Shy’m revient et entame « On S’en Va » devant un mur sur lequel un dessin prend vie et avec lequel elle interagit. J’ai beaucoup aimé ce moment, d’autant plus qu’elle en profite pour adapter les paroles de la chanson aux événements de ces derniers jours. Le tableau est court et Shy’m rejoint de nouveau les coulisses. Pendant ce temps, on nous diffuse sur le rideau une vidéo psychédélique, où l’on peut apercevoir un groupe de danseurs se déchaîner sur un titre de Fakear.
Quand elle revient, le rideau, toujours fermé, se pare d’une robe tropicale. C’est la séquence nostalgie. Elle enchaîne ainsi « Femme De Couleur », « Victoire » et « La Première Fois » sous la forme d’un medley. C’est l’un des moments du concert que j’ai préférés. Même si personne ne se lève dans les gradins, l’ambiance se réchauffe. Je suis complètement fan des arrangements live de ces titres. Ça me rappelle à quel point j’adore ces morceaux et ça me donne envie de replonger dans sa discographie. Elle continue son voyage dans le passé avec « Je Sais », l’un de mes préférés de son répertoire, et « Prendre L’air ». Je chante à tue-tête, j’aimerais que ça ne s’arrête jamais 😀 Elle quitte la scène et part se changer pendant que les amplis nous diffusent « Save My Way » sur des images spécialement tournées pour l’occasion. L’intermède s’arrête de manière un peu rude, mais revoilà Shy’m et ses danseurs pour « Garçon Manqué », peut-être le titre le plus dispensable de la setlist. Elle est vêtue d’un tailleur blanc et masculin, comme ses compagnons de scène. On ne peut pas dire que le morceau déchaîne les foules, contrairement à sa reprise de Vanessa Paradis, « Tandem », qui reçoit un accueil inespéré de la part des spectateurs. Personnellement, je trouve cette version plutôt mauvaise… LOL. Mais je vous invite à vous faire votre propre opinion en découvrant la vidéo à la fin de la chronique !
Je la sens beaucoup plus à l’aise sur scène qu’au début du concert, la tension liée aux événements a totalement disparu – ce qui lui permet d’enchaîner sur « Silhouettes » avec un naturel déconcertant. Le public lui offre ensuite innovation en chantant « On n’est pas fatigué ! On n’est pas fatigué ! », moment pendant lequel elle se lance dans quelques pas de danse improvisés ! Les spectateurs en profitent pour lui balancer des cadeaux sur scène, notamment des paquets de M&M’s… Pas des sachets non, des boîtes ! Des grosses boîtes. LOL. Elle manque de s’en prendre une en pleine tronche. Elle explique qu’elle n’aime pas que les M&M’s et qu’on peut aussi lui lancer autre chose – comme du saucisson et de la raclette… Qu’elle est con 😀 Après la séquence rigolade, elle enchaîne sur « Tourne », un morceau particulièrement populaire auprès des spectateurs. La scène se pare de multiples mécanismes d’horloge et l’arrangement n’est pas sans rappeler celui de 2013. Elle présente ensuite ses musiciens, qu’elle abandonne le temps d’un interlude musical live !
Les choses sérieuses reprennent avec « En Apesanteur », sa reprise de Calogero. Vêtue d’une robe noire, qui ressemble à la première tenue du spectacle, elle interprète le titre devant un fond « interstellaire ». Je n’ai jamais été un grand fan de cette version et je suis impatient qu’elle passe à la suite : « L’effet De Serre », qui est l’un de mes morceaux préférés de son dernier album. Je suis un peu déçu par l’accueil du public… Pourtant, le titre a tout pour plaire : dynamique, sexy, avec une mise en images très forte. Peut-être qu’une mise en scène plus légère aurait été plus adaptée, je ne sais pas. En tout cas, la sauce ne prend pas. Je me dis que ça va être différent sur « Et Alors » dont les premières notes résonnent dans la foulée. Mais… non. Personne ne se lève dans les gradins. Je n’en reviens pas ! On en serait resté là si elle n’avait pas décidé de se jeter dans le public à l’improviste… Vous avez sans doute vu les images et le bad buzz que cette chute a provoqué. En effet, les spectateurs ne l’ont pas rattrapé à temps, et elle s’est magistralement vautrée dans la fosse. D’après ce que j’ai compris, elle a été empoignée in extremis juste avant de se fracasser au sol et elle s’en est sortie indemne rassurez-vous. Ce que je trouve dommage, c’est que les médias n’ont retenu que ça, et qu’aucun d’entre eux n’en a profité pour vanter la qualité du spectacle… C’est malheureux.
Elle demande ensuite, à notre grande surprise, que les spectateurs des gradins, nous, descendions dans la fosse. On ne se fait pas prier et après quelques minutes de battement, on se retrouve à quelques mètres de la scène. C’est peut-être l’une des meilleures idées de la soirée 😀 Elle nous explique ensuite que le processus créatif de l’album l’a emmené jusqu’en Afrique, d’où elle nous a ramené la chanson qui suit : « Cape Town De Toi ». Le titre clôt le set principal. Avant le rappel, le public se met à chanter de sa propre initiative « La Marseillaise ». C’est un moment particulièrement fort et on se sent tout à coup unis, rassurés, par la présence des uns et des autres. Elle se dépêche de revenir pour la reprendre avec nous et nous remercie une nouvelle fois d’avoir été là de cette façon. Pour terminer la soirée, une dernière reprise : « Comme Ils Disent », une chanson de Charles Aznavour. J’avais déjà entendu sa version qui ne m’avait pas laissé une trace indélébile. Mais ce live, épuré, m’a donné des frissons. L’interprétation, la voix et la volonté qu’elle y a mise m’ont particulièrement touché. Je pense qu’elle-même est troublée, car à la fin de la chanson – enfin, ce qui aurait dû être la fin de la chanson – elle reprend le titre, quasiment au départ, en nous offrant donc quelques minutes supplémentaires de ce moment émouvant et magique. Elle conclut le concert comme elle l’a commencé, par un texte de sa main :
« Je cherche, je trouve, me perds, parfois retrouve. Du moi à l’autre. De elle à moi. De vous à elle. De moi en moi. Vous êtes les indispensables à ma course, ma quête aussi puissante et dangereuse soit-elle. Vous êtes l’ivresse de cet équilibre aussi fragile et éphémère. Mon asile, mon exil. Ma unique dépendance essentielle et salvatrice, la ligne réconciliatrice de ce paradoxe énigmatique. Merci la vie, merci à vous, et merci à nous. Je nous aime, bien plus que mon paradoxe. »
La difficulté de conclure sur une telle soirée est grande. Je commencerai par dire que je suis heureux que le spectacle n’ait pas été annulé. J’aurais été déçu de ne pas pouvoir le « vivre ». Évidemment, j’aurais préféré que tout se déroule normalement, sans cette tension liée aux attentats de la semaine dernière. Mais ils ont finalement donné à cette soirée une résonnance particulièrement forte, qui la marquera à jamais dans nos esprits. Le spectacle est pour moi une véritable réussite. Que ce soit au niveau de la mise en scène, puissante et moderne qu’au niveau musical. Il propose une relecture de son répertoire, avec des choix inattendus comme « Black Marylin », « Caméléon » et la présence massive de son dernier album, et des orchestrations puissances pour les titres les plus connus. J’ai adoré la séquence nostalgie et dans les choses les plus récentes, je garderai « Il Faut Vivre » qui pour moi a été le point d’orgue de la soirée.
Son attitude sur scène a été à la hauteur de mes espérances : elle a réussi à trouver le bon équilibre entre l’émotion provoquée par la tragédie des attentats, et la fête, à laquelle on s’attend quand on participe à un concert de cette ampleur. Elle est vivante, elle est drôle, elle improvise : tout ce que j’aime. Vocalement, elle a fait beaucoup de progrès par rapport à sa dernière tournée, et je lui souhaite vraiment de retrouver le succès. Car il faut le reconnaître, le disque et la tournée ont été des échecs. Même sans les attentats, il y a eu de gros problèmes de remplissage qui l’ont forcé à brader les places et à annuler des spectacles. L’ambiance en a d’ailleurs fait les frais et c’est ce qui m’a le plus frustré : l’inactivité des spectateurs en gradins m’a vraiment déçu. Je ne sais pas si la situation en France a joué un rôle ou si les gens n’étaient simplement pas intéressés par ce qui se passait sur scène, mais je garderai un souvenir particulièrement amer de cette mauvaise ambiance. Je lui tire en tout cas mon chapeau pour avoir maintenu ses deux spectacles à Bercy, malgré les attentats, malgré les critiques auxquelles elle s’exposait, et je lui souhaite bonne chance pour la suite. Je serai là.
On termine avec les photos et les vidéos de la soirée, comme d’habitude. Je vous invite également à laisser vos commentaires ici ou sur les réseaux sociaux Facebook,Twitter et Instagram et à lire mes autres chroniques de concert, notamment celles que j’ai consacrées à Shy’m : Shy’m : Shimi Tour – Zénith, Paris (2012) et Shy’m : Shimi Tour 3.0 – Bercy, Paris (2013).. On se retrouve très vite, en tout cas je l’espère. Prenez soin de vous et profitez de la vie !
Setlist : Black Marilyn / J’te Déteste / On Se Fout De Nous / La Malice / Caméléon / En Plein Cœur / Il Faut Vivre / On S’en Va / Femme De Couleur / Victoire / La Première Fois / Je Sais / Prendre L’air / Garçon Manqué / Tandem / Silhouettes / Tourne / En Apesanteur / L’effet De Serre / Et Alors / Cape Town De Toi / Comme Ils Disent
Également disponible en vidéo : Il Faut Vivre – Je Sais – Caméléon – Tandem – L’Effet De Serre – Comme Ils Disent