15 Novembre 2025 – Maybe Happy Ending – Belasco Theatre, New York (2025)
Puisqu’il n’y a pas grand-chose qui me tente cette saison, j’ai fini par me dire que le mieux serait de retourner voir les spectacles qui m’avaient marqué. Maybe Happy Ending s’est imposé naturellement. Le show a remporté le Tony Award de la Meilleure Comédie Musicale en 2025, cumulé dix nominations et raflé plusieurs prix majeurs. C’est devenu l’un des succès les plus solides de l’année. La production vient d’ouvrir une loterie spéciale, le Club 2064, avec douze sièges premium vendus à seulement 20,64 $ 😮 Un prix presque irréel dans un théâtre où les places dépassent désormais largement les $200. L’année dernière, j’avais eu une place de loterie avec vue partielle. Cette fois, j’ai pu y aller accompagné et découvrir le spectacle dans de vraies bonnes conditions.
Le spectacle suit l’histoire de deux robots coréens mis à la retraite, isolés dans un Séoul futuriste. Oliver, modèle ancien, vit dans un petit appartement avec une plante qu’il entretient avec une tendresse presque désuète. Il attend chaque jour que son propriétaire revienne le chercher. En face, il y a Claire, modèle plus sophistiqué, mais dont les composants commencent à lâcher. Leur rencontre démarre avec un simple problème de batterie qui les entraîne vers une aventure inattendue.
J’avais déjà beaucoup aimé l’histoire la première fois, et cette deuxième représentation confirme que c’est l’un des points les plus solides du spectacle. Le livret est fin, drôle, jamais superficiel. On découvre les personnages par strates, en nous révélant tour à tour leurs failles, leurs souvenirs, sans jamais en faire trop. J’aime la place laissée à la suggestion : on ne nous prend pas par la main, on nous laisse comprendre les choses. J’ai trouvé l’écriture très intelligente 👌
Côté musique, j’ai eu une expérience assez différente de l’année dernière. Je n’avais gardé aucun souvenir précis des chansons. Mais cette fois, j’ai été plus réceptif. La partition joue constamment sur deux tableaux : il y a le jazz qu’Oliver adore, inspiré des standards des années 50, et il y a les chansons plus contemporaines, et qui font avancer l’histoire. On n’est pas dans un musical à numéros qui cherche l’effet wow quoi. Je vous conseille « World Within My Room » qui installe parfaitement le personnage d’Oliver, ou « When You’re in Love » qui marque l’un des pics émotionnels du show.
Côté mise en scène, le fait d’être mieux placé qu’en 2024 m’a permis d’en profiter pleinement, et j’ai pas mal de choses à en dire. Le positif, d’abord. J’aime beaucoup ce type de scénographie très moderne, où tout bouge en permanence. Les panneaux s’ouvrent, se referment, glissent et pivotent avec une précision presque robotique : ils permettent de passer d’un appartement à l’autre, de faire des focus précis, ou de basculer d’un espace clos à un environnement beaucoup plus vaste en donnant une impression de grandeur. Les écrans sont utilisés de façon intelligente, tout autour de la scène pour élargir le monde, au-delà des pièces confinées où vivent Oliver et Claire. On se retrouve propulsé dans leurs souvenirs, plongé au cœur de leurs données, ou même transporté jusqu’à l’île de Jeju. Il y a même un très court moment, presque subliminal, dans une sorte de matrice de données juste après une décision clé des personnages : ça ne dure que quelques secondes, mais ça m’a donné des frissons.
Le revers de la médaille, c’est que cette scénographie crée énormément d’angles morts 🙄 Selon l’endroit où l’on est assis, on peut littéralement perdre 30 à 40 % du décor. La première fois, j’étais placé au premier rang. Idéal pour voir les comédiens, mais impossible de profiter de la profondeur de scène, qui est très haute. Je voyais les appartements à l’avant, mais rien de ce qui se jouait derrière. Cette fois, depuis le premier rang de mezzanine, tout était visible. J’imagine donc sans peine que beaucoup de spectateurs en orchestre, qui ont parfois payé leurs places plus de 200 $, ratent toute une partie de la mise en scène. Je trouve ça dommage, et je pense que les designers devraient garder ce problème de visibilité en tête, surtout avec des shows où les projections et la profondeur de champ jouent un rôle aussi essentiel. Reste que, bien placé, le spectacle est superbe 🥰
Il y a seulement 4 comédiens sur scène. Oliver et Claire sont interprétés par Darren Criss et Helen J Shen, tandis que Dez Duron incarne Gil Brentley, le crooner de jazz, et Marcus Choi endosse plusieurs rôles secondaires, dont celui de James, l’ancien propriétaire d’Oliver. J’ai eu de la chance, puisque Darren Criss vient de reprendre son rôle original. Les deux forment un duo très solide, même si cette fois j’ai eu un léger faible pour Helen. Elle a une précision dans ses expressions, qui rend son personnage incroyablement attachant. Darren Criss reste excellent, surtout dans sa gestuelle de robot un peu daté, moins fluide, moins moderne que Claire. Je l’ai peut-être trouvé un peu moins juste que dans mon souvenir de 2024, mais ça n’enlève rien à son talent ni à l’alchimie qu’ils partagent. On comprend sans peine pourquoi ils ont raflé autant de prix !
Le spectacle dure environ 1 h 40 sans interruption, et je dois dire que j’ai apprécié. On reste totalement plongé dans l’histoire, sans une coupure pour casser le rythme. La salle était concentrée, attentive, quasiment silencieuse : pas de discussions parasites, pas de papiers qui bruissent. Et surtout, j’ai beaucoup aimé les réactions spontanées du public, les petits « ooh » ou « aww » qui montrent à quel point les spectateurs s’attachent aux personnages.
Alors est-ce que ça valait le coup d’y retourner ? Si vous me suivez, vous savez que je retourne rarement voir les comédies musicales. Ça m’est arrivé deux fois en 8 ans, avec Aladdin et Moulin Rouge. Maybe Happy Ending est la première où je ressors en me disant que je l’ai encore plus aimée que la première fois 💗 Le placement a clairement aidé. J’ai pu profiter du décor dans son ensemble, comprendre des nuances dans l’écriture que j’avais manquées en découvrant l’histoire, et écouter les chansons avec un peu plus de recul. Je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut voir le spectacle 2 fois pour en profiter, mais je confirme que c’est un très beau show. Donc si vous êtes de passage à New York, mettez-le dans votre liste si vous cherchez une création originale qui sort vraiment du lot.
Pour moi, le point fort reste l’histoire. C’est bien écrit, les personnages sont fouillés, et on touche à des thèmes qu’on croise rarement à Broadway. La mise en scène est elle aussi très réussie, même si elle a un défaut important : il faut être bien placé pour en profiter pleinement. Essayez de viser le centre, même en hauteur. Quant à la musique, même si on ne parle pas d’une bande originale à la Hamilton avec des tubes instantanés : on reste sur quelque chose de très bien construit. On est clairement sur une partition qui privilégie l’histoire plutôt que l’effet wow, ce qui explique pourquoi elle met un peu plus de temps à s’ancrer dans nos têtes. Bref, je vous invite à relire ma chronique de l’année dernière, ça vous donnera un autre angle de comparaison. Et bien sûr, retrouvez moi sur Facebook, X et Instagram et allez découvrir les autres comédies musicales auxquelles j’ai assisté en cliquant ici : #Broadway.
Extraits « Maybe Happy Ending »
