9 Mai 2025 – Pirates ! The Penzance Musical – Todd Haimes Theatre, New York (2025)
Créée en 1879, The Pirates of Penzance est une célèbre opérette britannique. La version actuellement à l’affiche à Broadway n’est pas un revival fidèle, mais une adaptation très libre et joyeusement déjantée. Cette fois, l’action est transposée à La Nouvelle-Orléans : adieu l’Angleterre pluvieuse, bonjour les cuivres jazzy et les décors colorés du Quartier Français 🌈 On est donc loin d’un simple dépoussiérage : c’est une relecture complète, où l’absurde reste l’élément central, et qui semble autant plaire que contrarier les fans de la première heure.
De mon côté, j’y allais sans attente, car je ne connaissais pas la version originale ! C’est plus simple 😅 Je savais simplement que Jinkx Monsoon, drag artist révélée par RuPaul’s Drag Race, faisait partie du casting, et que l’univers s’annonçait décalé. Promesse tenue : c’est loufoque, et on en prend plein les yeux (et les oreilles).
L’intrigue est absurde, mais assez facile à suivre : Frederic, jeune homme élevé « par erreur » parmi les pirates, fête son 21e anniversaire et décide de quitter la piraterie pour mener une vie honnête. Problème : il découvre qu’il est né un 29 février… ce qui veut dire qu’il n’a eu que cinq vrais anniversaires. Du coup, techniquement, il est encore mineur – et donc toujours engagé auprès des pirates. Pas de bol 🙃 Pendant ce temps, l’équipage débarque en Louisiane, croise une ribambelle de jeunes filles (les filles du Général Stanley), et tente de les séduire. S’ensuivent quiproquos, trahisons, déclarations d’amour et tutti quanti. Même si l’adaptation se veut moderne, le côté classique est conservé : on reste dans un style XIXe siècle volontairement ampoulé, qui peut parfois devenir barbant sur la longueur. Heureusement, la mise en scène assume pleinement la carte du non-sens, les ruptures de ton, et tout est exagéré à outrance. Ce que j’ai apprécié, c’est qu’on ne savait jamais où la scène suivante allait nous mener.
Musicalement, on est sur de l’opérette, avec des détours vers le jazz et le blues pour coller à l’atmosphère. Ce n’est clairement pas ce que j’écoute au quotidien, mais certaines chansons m’ont quand même plu, notamment : « I Am the Pirate King » (porté avec charisme par Ramin Karimloo), « I Am the Very Model of a Modern Major-General » (véritable prouesse de diction menée par David Hyde Pierce), et « A Paradox » une chanson où ils annoncent à Frederic qu’il est techniquement encore mineur – c’était tellement débile. À noter que plusieurs morceaux proviennent d’autres œuvres de Gilbert & Sullivan (les créateurs de l’œuvre originale). Petit hic : le mixage sonore n’était pas optimal. Dans un spectacle où les paroles sont cruciales, c’est frustrant que la musique couvre souvent les voix.
Visuellement, c’est une réussite totale 🌟 Le décor nous plonge dans un port stylisé de La Nouvelle-Orléans, avec un vrai bateau pirate qui débarque sur scène. C’est coloré, généreux, un peu kitsch, mais jamais cheap. On sent que tout a été pensé pour créer un univers entre opérette, cabaret et cartoon. J’ai pensé à Chantal Goya pendant le spectacle (dans le bon sens du terme 😉) en me disant qu’on a été gâté gamin par ce que le duo Goya/Debout proposait sur scène en termes de décors et de qualité. Mais je digresse…
La mise en scène de Scott Ellis est efficace, avec des chorégraphies très physiques, des tableaux d’ensemble très réussis. Je ne m’attendais à rien et j’ai été agréablement surpris par la qualité du spectacle. Côté costumes : on est dans un mélange de costumes traditionnels de pirates, d’uniformes militaires et de robes colorées inspirées du sud des US. Le tout avec un sens du détail et de la stylisation très assumé. C’est beau ! Les lumières – notamment dans l’acte 2, au cœur du cimetière – sont également superbes.
Il y a une vingtaine de comédiens sur scène, et c’est un sans-faute 👏 Ramin Karimloo (le roi des pirates) impressionne par sa voix, son torse luisant, et son charisme. Jinkx Monsoon (Ruth) est drôle, expressive, un peu dingo – elle capte immédiatement l’attention et le public l’adore. David Hyde Pierce (le Général) est bluffant avec sa diction ultra rapide. Il réussit à être à la fois absurde et fragile.
En revanche, le rythme du show est un peu inégal : certains duos amoureux ralentissent l’action, mais d’autres numéros sont de vraies bouffées d’énergie. J’ai adoré le moment où toute la troupe joue d’une espèce de râpe musicale improbable (la planche à laver, ou washboard, instrument cajun typique de Louisiane) – pour une séquence joyeuse et communicative. À la toute fin du spectacle, les artistes traversent la salle pour balancer les célèbres colliers de perles façon Mardi Gras. C’est kitsch, mais ça fait sourire 😄
C’est un spectacle étrange, parfois incompréhensible, mais toujours fun. Le décor est somptueux, les performances impressionnent, et il y a une vraie générosité dans la proposition. Est-ce que je le recommanderais à un touriste français de passage à New York ? Pas forcément. Le niveau d’anglais est élevé, mal servi par le mixage, et le style peut désarçonner. Mais si vous aimez les ovnis, ou que vous avez déjà tout vu sur Broadway : why not? 🤷
Pour moi, ce Pirates! marque la fin de ma saison printanière ! Une dizaine de spectacles depuis janvier, avec de vrais coups de cœur comme Buena Vista Social Club ou Real Women Have Curves, mais aussi pas mal de déceptions (Operation Mincemeat, Dead Outlaw). J’attends la suite avec curiosité, car peu de spectacles ont été annoncés pour cet automne. J’ai dans ma ligne de mire la reprise de Mamma Mia! que je vais peut-être enfin pouvoir voir en version originale après l’horrible version française de Mogador en 2011 😬 Mais en attendant tout ça, retrouvez-moi sur Facebook, X et Instagram pour d’autres critiques de #Broadway 🎭
Extraits « Pirates ! The Penzance Musical »