4 Février 2022 – Hadestown – Walter Kerr Theatre, New York
Depuis son arrivée à Broadway en 2019, « Hadestown » n’a cessé de battre les records. Gagnant de 8 Tony Awards dont celui de la meilleure comédie musicale, le show fait aujourd’hui partie des « must-sees » du Theater District au même titre que « Wicked » ou « Hamilton ».
« Hadestown » revisite et entrelace le mythe d’Orphée et Eurydice avec celui d’Hadès et Perséphone. L’histoire se déroule dans un monde post-apocalyptique où règnent la pauvreté, le froid et la famine. On y fait la rencontre d’Orphée, jeune musicien insouciant, qui travaille sur une chanson pouvant ramener les beaux jours et ainsi mettre fin à la misère. Il croise la route d’Eurydice dont il tombe éperdument amoureux. Mais celle-ci, désespérée, vend son âme à Hadès et part pour l’impitoyable ville d’Hadestown. Le spectacle raconte le voyage qu’entreprend Orphée pour sauver sa fiancée 🚶.
« It’s a sad song, but we sing it anyway » nous prévient le narrateur de la soirée, Hermès, incarné par le charismatique André de Shields. Bien que toute personne connaissant un tant soit peu l’histoire sache comment elle se termine, le texte est définitivement l’un des points forts du spectacle 👍. Avec ce qu’il faut de mystère et de suspense, Anaïs Mitchell, l’auteur du musical, nous embarque dans un univers romantique qui, malgré son issue tragique, ne manque pas d’humour et de poésie.
La bande originale est une joyeuse combinaison de folk, pop, jazz et blues. On est transporté à La Nouvelle-Orléans à la seconde même où le tromboniste pose ses lèvres sur son instrument. Les mélodies sont accrocheuses et les chansons restent en tête. Je vous invite à découvrir « Way Down Hadestown » ou encore « Wait for Me » pour vous faire une idée de l’ambiance musicale 🎧. J’ai aimé que les morceaux ne soient pas que des prétextes à des numéros, mais qu’ils participent complètement au récit. À noter que les musiciens sont présents sur scène et font partie intégrante du spectacle.
On sent d’ailleurs qu’un soin tout particulier a été accordé à la scénographie. Ici, pas de projections vidéo ni d’accessoires superflus : le décor s’apparente à un bar de La Nouvelle-Orléans avec en son centre un plateau tournant, également utilisé comme ascenseur vers les profondeurs enfumées d’Hadestown. La fin du premier acte est particulièrement impressionnante, car c’est le moment où l’on découvre pour la première fois le monde du bas, et ce, seulement grâce à quelques jeux de lumière et éléments mobiles. La créativité est au cœur de la mise en scène et ça fait du bien d’assister à ce genre de show où l’imagination du spectateur est vraiment mise à contribution 👏. On est sur le même registre qu’un « Hamilton » ou « Come From Away ».
Les costumes et le maquillage sont particulièrement réussis : on identifie très bien les personnages et leurs rôles dès le départ. Leurs tenues reflètent leurs personnalités. Perséphone est sans doute le meilleur exemple pour illustrer cette idée : dans le premier acte, elle apparaît vêtue d’une robe verte légère, avec quelques fleurs dans les cheveux. Elle apporte la lumière et l’allégresse dans le monde d’en haut. Et puis, on la retrouve quelque temps plus tard, sobrement habillée de noir, luttant pour survivre à Hadestown. Tous les éléments s’emboîtent parfaitement pour donner vie et authenticité à cet univers industriel.
L’authenticité, c’est aussi ce qui transparait dans le jeu des acteurs. Les performances sont à couper le souffle. J’ai déjà parlé d’André de Shields (Hermès) plus tôt dans la chronique, mais il faut également citer les rôles féminins : Eva Noblezada pour Eurydice, et Amber Gray pour Perséphone, dont les interprétations sont absolument brillantes ❤. Un peu moins convaincu par Reeve Carney en Orphée : j’ai trouvé sa voix et sa gestuelle en décalage avec le reste des comédiens. Il faisait énormément de grimaces quand il chantait, et ses interventions étaient beaucoup moins pertinentes de manière générale.
Malgré ce léger point noir, il y a une vraie fluidité dans le spectacle : il n’y a pas de temps de mort et on est tenu en haleine pendant 2h30. On sent que les artistes se sont véritablement approprié leur rôle et la salle est totalement réceptive à l’infortune des personnages. Avec les interventions régulièrement du narrateur : le show devient presque interactif. L’auteur a vraiment réussi à donner un je-ne-sais-quoi frémissant et moderne à cette tragédie de l’Antiquité.
Hadestown est définitivement un spectacle que je vous recommande si vous êtes de passage à New York 👍. Différent de tout ce que l’on peut voir actuellement à Broadway, le show réinvente le mythe d’Orphée et Eurydice, sans jamais céder à la facilité. De la mise en scène à la bande originale, en passant par le casting : tous les éléments s’emboîtent à la perfection pour proposer aux spectateurs une expérience unique. Il y a quelque chose qui s’apparente au voyage et c’est véritablement ce que j’ai aimé.
Il y a encore quelques shows auxquels j’aimerais assister à Broadway cette saison, « The Music Man » avec Hugh Jackman, et aussi « Company » qui commence à faire parler de lui. En attendant les prochains évènements, je vous propose de me rejoindre sur Facebook, Twitter et Instagram et je vous invite également à découvrir les articles que j’ai consacrés aux comédies musicales en cliquant ici : #Broadway.
Extraits « Hadestown »